E.S.T. leucocyte

Soyons fou, parlons Jazz, en l’occurrence E.S.T, ce bluffant trio norvégien qui a eu la bonne idée de réinventer un genre tout au long de sa carrière. Influencé par KEITH JARRETT mais également, RADIOHEAD ou TORTOIS          , sa musique s’adresse à un large public.

Hélas, Leucocyte est le dernier album du groupe, ESBJÖRN SVENSSON (pianiste) étant mort dans un accident de plongée en 2008.

Leucocyte est donc, par la force des choses, un disque testament, révélant le cheminement qu’aurait peut-être emprunté le groupe dans les prochaines années… Et franchement, lorsqu’on écoute un tel album, l’on regrette qu’il n’y ait pas de suite !

Très expérimentale dans sa forme, la musique tire plus du côté électronique que du côté Jazz. Cela pourra déconcerter les amateurs de Jazz, mais pour ma part, cette rupture avec les fondamentaux bebop n’est pas vraiment un problème.

Disque dense, atypique, bruitiste par moment, avant-gardiste, étrange, parfois angoissant (Leucocyte), mélancolique, mais passionnant sur la durée. Chaque morceau est construit de façon à changer au gré des perturbations sonores tout en gardant une cohérence dans l’interprétation de sa musique. Le groupe emprunte largement au Post rock pour redessiner son Jazz. Ainsi, la contrebasse se métamorphose en guitare électrique acérée tandis que la batterie de MAGNUS OSTRÖM se fait tonitruante et le Jazz se renouvelle sous forme de triturages, égrenant une progression mélodique et fluide.  

Premonition et leucocyte sont, de ce point de vue, deux joyaux lyriques, sombres et tourmentés, amples et puissants, plus proche d’un RADIOHEAD qu’un MILES DAVIS.

Ce disque était donc conçu comme une mutation, une régénération qui ne connaîtra pas de suite. J’espère seulement que d’autres musiciens sauront s’en souvenir.

Un album essentiel.

 Tuesday wonderland, 2006, marque également un tournant dans la musique du trio, la preuve avec ce titre très surprenant, mélange improbable entre Jazz et Doom.