2040

Publié le par Sabat

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Nous sommes en 2040. La ville est truffée d’écran et de télé écran où les informations circulent à toute vitesse, s’entremêlent, clignotent, se répètent. Les gens, pressés et livides, n’ont pas le temps de lire la propagande des messages. Dans cette course qu’est le temps, ils ne peuvent guère faire autrement que courir. Ils courent, désemparés, fragiles, amers, frustrés, mais munis de leurs tablettes multi usages, de leurs i-pad derniers modèle. Ne cherchez pas, comme moi, une librairie encore ouverte dans la ville. Il n’y en plus depuis belle lurette en 2040. A la place des terrasses de café d’autrefois s’étend un paysage d’écran où les doigts tapotent sans discontinuer, machinalement, gaiement, un horizon de tablettes où tout se mélange, romans, infos, musique, porno, pubs pubs et pubs. Ne cherchez pas un livre en papier, un journal quelconque, ils sont relégués au musée du livre ou chez quelques vieillards ringards.

Une telle vision de l’avenir pourrait bien arriver. D’autant plus qu’une étude récente de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) prédit que les journaux traditionnels auront disparus en 2040. C’est précis au moins ! Cette même étude annonce leur disparition en 2017 aux Etats-Unis où l’on vend déjà plus de livres numériques que de livres en papier.

Cette prévision n’est pas très étonnante à vrai dire. Combien de marchand de journaux, de librairie, ont fermé boutique depuis dix ou quinze ans ? Ce qui me surprend un peu plus, en revanche, c’est qu’il en reste encore en 2011 dans nos petites villes soumises au dictat DU TOUT numérique, face à l’écran géant, l’écran Sony, l’écran Apple, l’écran envahissant, l’écran tout, l’écrase tout.

Je n’ai rien contre l’écran en lui-même, je ne suis pas du genre à dire que tout est blanc ou tout est noir, Je dirais même que le livre électronique est une bonne avancée en soi, notamment pour ceux ou celles qui travaillent à partir de supports papier et qui se déplacent souvent, mais l’avenir lugubre que l’on projette à travers le numérique n’a pas de quoi me faire frémir d’exaltation pour autant. La fin de quelque chose n’est pas en soi un progrès, à moins que cette chose là soit néfaste, bien évidemment. Alors peut-être qu’on me rétorquera que les livres en papier détruisent des forêts, sur quoi je rétorquerai qu’Ikea détruit des forêts, bien plus que ces malheureux livres.

Une fois l’angoisse passée, l’on se met à réfléchir et surtout, l’on se souvient : les marchands de sommeil des temps modernes nous prédisaient déjà la mort des journaux lorsque la télévision est arrivée, et même la mort de la radio. Nous avions carrément assisté, tambour battant, à l’enterrement du vinyle en croyant ne plus jamais en voir dans les décennies suivantes et pourtant, il est toujours là, il fait même une réapparition remarquée depuis quelques temps. Avec Internet, la forme du discours n’a pas changé. On prédit des disparitions afin d’imposer des choix qui paraissent plus rentables.

Eh bien moi, je prédis que les vrais lecteurs ne liront pas de l’écran, car l’écran, c’est une lumière qui fatigue, c’est du froid qui fait mal, et finalement, ça n’a aucun charme, bien moins qu’un JDD à la terrasse d’un café, qu’un bon roman lu au lit…

 

Publié dans Patchwork société

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