WILLIAM FAULKNER tandis que j'agonise

Publié le par Sabat

faulkner.jpgVoilà un roman frappant à bien des égards, où deux sentiments se mêlent en permanence, le morbide et le burlesque.

En effet, dès la première page, nous sommes en présence d’une histoire articulée autour des obsèques d’Addie Bundren et, dis simplement comme ça, je comprends bien que ce ne sera pas un atout pour donner envie de lire ce roman. Il faut alors approfondir, ce qui n’est pas une mince affaire.

Ici, la force des personnages, les accidents qui émaillent le récit, l’aspect grotesque de certaines situations, allègent la lecture de ce voyage funéraire. Addie a voulu que ses restes soient conduits sur la charrette familiale jusqu’à la ville, à Jefferson où reposent ses parents. Anse, son époux, et ses nombreux enfants rythment ce récit d’une incroyable beauté. Il leur faudra plusieurs jours pour gagner Jefferson et, chemin faisant, le corps d’Addie se décomposera à la chaleur. Les accidents s’accumulent tout au long des mauvaises routes: la famille perd ses mulets dans la rivière en crue après un orage, un des fils se casse la jambe et celle-ci se gangrène, un autre devient fou tandis que Dewey Dell passe son temps à vouloir vendre les gâteaux qu’elle emporte.  

Anse apparaît comme un mélange d’entêtement et de ruse, enfermé dans ses principes qui l’obligent de refuser toute aide, qui le poussent à ne pas soigner immédiatement la jambe cassée de son fils et de le plâtrer avec du ciment afin de gagner du temps, et qui finalement témoignent de son empressement à acheter un dentier en ville une fois sa femme enterrée.

Quelle tribu primitive, dépravée et misérable ! Dès que nous sommes familiarisés avec eux leurs sentiments ne peuvent guères nous être indifférents, nous imaginons alors leur existence, leurs joies, leurs peines.

Autour de cette épopée mortuaire se regroupent des anecdotes, actuelles ou rétrospectives, la construction du cercueil par l’un des fils, l’adultère de Anse, la confession ratée de Whilfield, l’aventure de Dewey Dell avec l’étudiant en pharmacie… de sorte que l’imagination du lecteur se trouve souvent sollicitée.

Pour finir, citons Julien GREEN qui saluait l’œuvre de Faulkner « Il y a là-dedans une sorte de délectation funèbre, mais chaque page est d’une beauté saisissante. C’est une des très rares réussites de ce temps où l’on crie au chef-d’œuvre à tant de livres insignifiants. »

Bref, un roman intense et fascinant.

Publié dans Patchwork littérature

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